• La Fin des dauphins :


    « Au secours ! »

     

    Ce cri, c’est celui de mon dauphin ! Il est en danger et m’appelle ! Ce n’est pas le seul à crier ainsi. La fosse marine doit être attaquée…

    Cette fosse est le refuge des dauphins soldats. Elle ne l’est que depuis peu de temps. La Guerre elle-même a été déclarée il y a très peu de temps. Aqualia a toujours été pacifique, la paix et l’harmonie régnaient dans les océans depuis l’aube des temps… Jusqu’à ce que ces envahisseurs arrivent, les Etrangers, nos ennemis. Nous les détestons plus que la pollution qui ravage désormais les océans et ce de leur faute. Au début, les étrangers étaient eux-aussi pacifiques. C’étaient des scientifiques qui s’intéressaient au milieu marin. Nous étions amis. Mais c’est du passé. Aujourd’hui nous sommes en guerre ! Leurs armées nous ont envahis et nous nous battons, nous nous battrons jusqu’au bout. Nous les repousserons… ou nous mourrons. Nous l’avons promis à la grande prêtresse Delhiane. En échange, elle nous a offert la bénédiction de nos dieux. Nous n’échouerons pas. C’est grâce à eux que nous sommes toujours en vie ainsi que nos dauphins, nos plus fidèles alliés au combat, nos amis…

    « Goliath »

    Mon cri n’était que l’un des nombreux appels qui raisonnaient dans la grotte où nous passons la nuit, nous les guerriers. La fosse est très proche de cette grotte. Les dauphins sont donc bel et bien en danger. Après avoir pris nos armes, nous nous sommes tous rendus en nageant le plus vite possible dans la fosse. Celle-ci était bel et bien attaquée. Je sentis mon cœur se serrer en imaginant Goliath et les autres dauphins blessés ou peut-être même…morts !

    La douleur que je sentais en moi était trop vive pour n’être qu’issue de mon imagination. Goliath souffrait donc bien. Je sentais sa peur autant que sa douleur dans mon esprit. Nous tous, les guerriers d’Aqualia, nous avons un lien psychique spécial et unique qui nous unit intimement avec un dauphin. Chaque humain et chaque dauphin forment un duo. Et moi et Goliath nous ne sommes qu’un. Nous sommes un tout dans l’Océan Aqual. Et nous sommes unis pour la vie. Et nous étions liés ainsi depuis très longtemps… Pourquoi je parle au passé? Goliath est encore vivant je ressens toujours ses émotions. Même si notre lien est de plus en plus faible… Non, Goliath ne peut pas mourir. Pas si vite. Je ferais tout pour l’en empêcher ! La grotte était déjà loin derrière nous. Pour rejoindre la crique océane, il nous fallut traverser le marais Séan. Autrefois il était beau et coloré et peuplé d’innombrables espèces de poissons introuvables dans les autres mers de la planète. Je me souviens y allait très souvent encore enfant. Mon père était un pécheur. Je suis un soldat.

    Et je me bats pour empêcher les Etranger de détruire notre monde. Déjà, ils ont détruit de nombreux récifs. Leurs machines de guerres, non pas des dauphins mais des poissons volants et nageant en métal et affreusement laids, ont pollué nos océans et décimés de nombreux poissons. Le marais de Séan faisait partis de leurs victimes. J’aurais tant aimé un jour y aller pour pécher comme on le faisait autrefois mon père et moi. Je voulais y emmener mon fils. Mais rien ne serait plus pareil qu’avant. Même si on gagne cette guerre.

    Quand le danger est si grand, je pense souvent à vous Marinette et Marco, ma femme adorée et mon fils tant aimé. Tu dois avoir six ans maintenant. Depuis quand cette guerre dure-t-elle ? Des mois déjà… Trop sont déjà morts. Mais vous deux êtes en sécurité pour l’instant. Fanon est bien loin des combats. Cela me rassure de savoir que mon village natal est à l’abri, que ma famille est à l’abri. Mais Goliath, lui, ne l’est pas. Autour de moi nagent tous les autres soldats aqualiens. Parmi eux je reconnais bon nombre de mes amis. Nous sommes tous unis par le même désir : ramener la paix dans le Royaume des dauphins. Moi, je pense surtout à mon fils et à mon autre enfant. Marinette a déjà dû accoucher de notre second enfant. Mais je ne sais même pas s’il s’agit d’un garçon ou d’une fille. Parmi nous, beaucoup sont également mariés et ont des enfants. Mais tous ne le sont pas. Galegon en fait partie. C’est un jeune qui vient juste de trouver son dauphin et qui vient de nous rejoindre. Il habitait aussi dans un petit village près de Fanon. Mais malgré son jeune âge et son manque d’expérience ainsi que de sa récente venue parmi nous, Galegon est l’un de mes plus proches amis. Le marais de Séan est très grand mais j’aperçois enfin la crique. Les dauphins sont tous là mais ils cherchent à fuir. Nos ennemis sont là eux-aussi. J’avais donc raison. J’ai bien interprété le sens des pensées de Goliath : La Fosse marine est attaquée !

    « Par l’Océan Aqual ! C’est horrible ! Comment osent-ils ? »

    C’est Tanache, l’un des doyens. Vieux, il est habitué au calme et ne voulait pas se battre. Mais c’était obligatoire pour tous les hommes liés à un dauphin de se battre pour défendre le Royaume. Aucun de nous n’a eu le choix… Si je l’avais eu, jamais je n’aurais quitté Marinette et Marco. Fanon est loin et encore tranquille. Mais nous devons défendre la terre de nos ancêtres. Et pour ça, nous devons sauver nos dauphins…

    Goliath, où es-tu ? Là, je le vois ! Je siffle et mon fidèle compagnon de guerre me rejoint très vite. Je monte sur son dos et lance des flèches dans les cétacés gris ennemis. A deux nous sommes forts ! Invincible ! Trois heures plus tard, nous avons gagné. Il y a peu de victimes ce qui nous réjouit tous. Le seul qui est triste et qui pleure c’est Galegon. Je m’approche de lui pour le rassurer. Je sais très bien pourquoi il pleure. Nous le savons tous. Galegon a perdu son dauphin. C’est le seul d’entre nous. Sans son dauphin, il est libre. Il va pouvoir rentrer chez lui. Ce n’est plus un soldat. Je suis triste pour lui car nous sommes amis. Je ne sais pas ce que l’on peut éprouver quand on perd son compagnon cétacé. Mais ça doit être terrible. Et perdre son dauphin et devoir rentrer chez lui en ne pouvant plus servir le Royaume des dauphins était un déshonneur. Nous le plaindrons tous, c’est certain. Goliath est toujours à côté de moi. Il est blessé mais pas gravement... Il s’en remettra très vite, j’en suis convaincu !

    Le lendemain il doit y avoir une grande bataille. Notre chef, un grand soldat vieux d’une trentaine d’années, nous l’a annoncé. Nous allons venger nos dauphins et celui de Galegon en particulier dans la Fosse d’Agan. Celle-ci est grande, vide mais très dangereuse. C’est parfait ! Avec nos dauphins nous sommes bien plus rapides et bien plus habiles. Les cétacés métalliques sont bien plus lents et bien moins maniables ! Nous allons leur faire payer !

    Le Cor de mer retentit soudain, les ennemis arrivent. Le combat commence. Comment le décrire ? C’est l’enfer ! Il y a du sang partout. Nous perdons. Nous avons un avantage c’est vrai dans le lieu choisi. Mais leur technologie est trop avancée pour nous. Nous n’avons que des flèches, des lances, des épées,… Eux ont des filets, des harpons, des missiles,… Heureusement, Goliath est vif et les esquive aisément. Ils ne nous auront jamais ! Mais beaucoup sont déjà morts. Bon nombre d’entre eux étaient mes amis. Certains l’étaient depuis ma plus tendre enfance et leurs dauphins étaient les frères et sœurs de Goliath. Mais nous n’avons pas le droit de penser à nos amis morts au combat. Nous devons penser à notre propre survie. Nous ne sommes plus qu’une dizaine à nous battre. Nous étions une centaine au début de la bataille. Encore un harpon. Combien en ont-ils ? Ce harpon est lancé à une vitesse fulgurante. Et Goliath en est la cible… Je m’écriais :

    « Vite, Goliath, esquive-le ! »

    Mon dauphin était rapide, il parvint à ne pas être touché. Mais un autre harpon arrivait comme un éclair sur nous. Il blessa Goliath à la nageoire pelvienne. Son cri de douleur me brisa ma concentration mais je parvins tant bien que mal à m’accrocher à sa nageoire dorsale. Si Goliath n’était que blessé et pas beaucoup, il était bien moins agile et bien moins rapide. De plus sa vue faiblissait. Je le compris immédiatement via notre lien mais je refusais d’y croire ! Non, ça ne pouvait pas finir ainsi !! Goliath parvint encore à esquiver deux harpons et un filet mais un des harpons le blessa de nouveau. Goliath était désormais à l’agonie. Son ventre avait été durement éperonné, et là où son armure ne le protégeait pas. Il se vidait lentement de son sang. Et je ne pouvais rien y faire… Il n’arrivait déjà presque plus à nager. Je me décidai à quitter le combat, à fuir loin de ce massacre… Goliath comprit et tenta de quitter le champ de bataille. Nous n’étions plus que cinq. Nous avions perdu. C’était sûr. Rien n’y changerait. Nous allions être exterminés. Alors il valait mieux survivre si la victoire était impossible. Le Chef fit à ce moment sonner la retraite. Goliath nageait le plus vite qu’il pouvait mais il était trop blessé pour suivre les autres dauphins. Si je le compris tout de suite, je refusai d’y croire. Goliath était mon meilleur ami. Il ne pouvait pas mourir.

    Pourtant un dernier harpon parvint à le toucher. Goliath ne pouvant plus nager du tout, bien trop affaibli par ses blessures, se laissa couler. Je le vis tomber. Je nageai à côté de lui. Je voulus le suivre. Ne pas l’abandonner mais c’était de la folie. Je suivis les survivants et rejoignit vite l’un de nos avant-postes. Les humains encore en vie avaient pratiquement tous perdus leur compagnon. Je savais que j’étais du nombre. Mais je refusais encore de l’admettre. Quatre heures plus tard, les vaisseaux ennemis – c’est comme ça que les étrangers nomment leurs cétacés de métal – avaient quitté la Fosse d’Agan. Je partis avec d’autres soldats vers le champ de bataille sans grand espoir.

    De nombreuses carcasses de dauphins et d’humains s’entassaient au fond de la fosse. Goliath était l’un d’eux. Je nageai jusqu’au fond. Je reconnus tout de suite mon dauphin. Je m’approchai de mon si fidèle compagnon. Il était bien là. On voyait ses blessures si profondes. Il ne bougeait plus. Et son cœur… son cœur ne battait plus.

     

    Non... Goliath… ce n’est pas possible ! Pas toi ! Ce n’est pas vrai !!

    C’est un cauchemar, dites-moi que ce n’est qu’un cauchemar. Et que toute cette guerre n’est qu’un affreux rêve. Que je vais me réveiller dans mon lit dans ma maison à Fanon avec ma femme que j’aime tant à mes côté… Il ne peut pas être mort. Je n’y crois pas. Même si son cœur ne bat plus. Moi je suis toujours en vie. Pourquoi ? Je m’approche encore plus et touche mon dauphin. Ce n’est pas un cauchemar. C’est bien réel. Tous ces morts, toutes ces défaites sont bien réels ! Le Royaume des Dauphins est donc voué à disparaitre ?  Je m’en fous si c’est le cas. Mais pourquoi tant de victimes ? Et pourquoi tant de peines ? Pourquoi ne pas se rendre ? Je raconte n’importe quoi. Nous sommes trop fiers et nos océans et leurs faunes nous tiennent bien trop à cœur pour les leur laisser. Nous ne capitulerons pas. Jamais !!

     

    Mais alors quand va bien pouvoir finir cette guerre ?

     

    … … … … … … …

     

    La guerre a duré 300 ans, aujourd’hui la paix est revenue.

    Mais aucun camp n’a gagné… Le traité d’Hydres a permis aux deux ennemis de faire la paix et de s’allier. Les deux peuples ne firent plus qu’un. Le Royaume des Dauphins fut aboli.

     

    Et une nouvelle ère commença pour Aqualia.

     

    Des villes et des villages furent construits à la surface. La capitale planétaire qui resta Aqualia, la capitale du Royaume des Dauphins, s’agrandit considérablement et devint une ville gigantesque à moitié immergée !

     

    Le tourisme et les industries affluèrent… Aqualia devint vite célèbre pour ses beaux océans, son bon climat et son magnifique soleil…

     

     

    3000 ans s’écoulèrent,…

     

    Le Royaume des Dauphins devint une légende…

     

    … Et sombra dans l’oubli…


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